Remise des insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur à Mme Amina Bouayach et Mme Amina Lotfi (09/12/2014)

REMISE DES INSIGNES DE CHEVALIER DE L’ORDRE NATIONAL DE LA LEGION D’HONNEUR A MADAME AMINA BOUAYACH ET A MADAME AMINA LOTFI

JPEG

COMMUNIQUE DE PRESSE

L’ambassadeur de France au Maroc, M. Charles FRIES, remettra lundi 8 décembre à 19h00, à la Résidence de France, les insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’Honneur à Mme Amina BOUAYACH, ancienne présidente de l’OMDH, secrétaire générale de la FIDH et à Mme Amina LOTFI, ancienne présidente de l’ADFM, coordinatrice du programme « gouvernance publique et égalité de genre au Maroc » à ONU Femmes.

A l’avant-veille de la journée mondiale des droits de l’homme, la France souhaite par ce geste honorer deux grandes militantes des droits de l’homme et de la femme au Maroc.

***

***


INTERVENTION DE S.E.M. L’AMBASSADEUR

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Bienvenue à la Résidence de France pour cette cérémonie de décoration, au cours de laquelle j’aurai le grand plaisir de remettre dans un instant les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur à Mme Amina Bouayach et à Mme Amina Lotfi.

Par un heureux hasard, vous portez, Mesdames, le même prénom mais, ce soir, vous incarnez surtout le même combat : celui des droits de l’homme et de la lutte contre toutes les formes d’injustice. Vous êtes aussi connues pour votre engagement à défendre la cause des femmes, leurs droits, leurs libertés, leur dignité. Ce combat multiforme, vous le menez avec courage et ténacité depuis des années aussi bien au Maroc que dans la région et au plan international.

Je suis heureux que cette cérémonie ait lieu, à l’avant-veille de la Journée mondiale des droits de l’homme et quelques jours après le Forum de Marrakech, qui a été un grand succès pour le Maroc et, plus généralement, pour faire avancer la cause des droits humains. Vous savez combien la France est aux côtés du Royaume pour soutenir les efforts menés depuis plus de 15 ans pour développer au Maroc la culture des droits de l’homme et conforter les instances qui assurent la protection et la promotion des droits fondamentaux (je saisis d’ailleurs cette occasion pour saluer chaleureusement Driss El Yazami, Président du CNDH, pour l’action remarquable –et ô combien difficile- qu’il déploie en ce sens).

Chère Amina Bouayach,

Vous êtes née et avez grandi à Tétouan, entourée de 5 sœurs et 3 frères dont plusieurs ont répondu présents à votre invitation, ce soir.
Dès votre adolescence, vous développez une capacité tout à fait remarquable à vous engager et n’hésitez pas à vous indigner, pour reprendre la célèbre expression de Stéphane Hessel. Les situations d’injustice vous bouleversent et vous poussent dans la voie militante pour revendiquer une application effective des droits de l’Homme.
Doit-on voir un lien entre votre vocation précoce et la localité d’origine de votre famille, Béni Bouayach, commune rifaine connue pour ses diverses mobilisations à travers l’histoire ? Vous nous le direz peut-être…
Vous poursuivez en tout cas des études d’économie et obtenez un master à l’université Mohammed V de Rabat en 1992. Après des responsabilités exercées au sein du Crédit du Maroc, vous prendrez part à l’expérience historique de la première alternance, pendant laquelle vous serez chargée, pendant 4 ans, de la communication du Premier Ministre Youssoufi .
C’est après cette expérience dans les hautes sphères du pouvoir que vous vous consacrez entièrement à la promotion des droits de l’Homme.
Afin que votre voix porte et soit libre de toute contrainte, vous choisissez alors l’action associative.
Votre bilan en la matière est remarquable, puisque vous êtes membre fondateur, parmi d’autres ONG, du centre « Al kawabiki » pour les mutations démocratiques dans le monde arabe, de l’association Jossour - forum des femmes marocaines et de l’association de développement de la région du Nord.
Vous êtes surtout la première femme à être élue, en avril 2006, à la tête de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme. Vous avez laissé votre empreinte à la tête de cette association dans laquelle vous continuez toujours aujourd’hui à militer. C’est ainsi à votre initiative que l’OMDH a été la première ONG à mettre en place une méthode d’observation du bon déroulement des élections –c’était en 2011.
Vous agissez également au niveau international, que ce soit auprès de la Ligue arabe ou à la Fédération Internationale des droits de l’Homme au sein de laquelle vous avez été élue Secrétaire Général, lors du dernier congrès d’Istanbul en 2013.

Chère Amina,
Je crois que l’on peut dire que votre engagement associatif vous a fait embrasser la cause de tous les droits de l’Homme, même si votre combat a porté en priorité sur certains sujets sensibles, qui vous tiennent particulièrement à coeur.
Je pense bien sûr en premier lieu à l’abolition de la peine de mort, pour lequel vous avez déployé toute votre énergie, en lien avec l’association Ensemble contre la peine de mort, afin d’initier, de structurer et aujourd’hui de renforcer le mouvement abolitionniste au Maroc. Vous avez participé au lancement de la campagne universelle pour l’abolition au Quai d’Orsay et contribué aux initiatives menées au Parlement marocain. Mais je pense aussi à la lutte contre l’impunité, à la promotion des droits des femmes, des droits des minorités ou à la situation dans les prisons.
Je pense par ailleurs au rôle que vous avez joué en 2011 en tant que membre de la commission consultative de révision de la Constitution pour faire consacrer de nombreux droits de l’Homme dans le système juridique marocain.
Chère Amina,
Si on ne devait retenir que deux verbes pour caractériser votre méthode, ce serait sûrement « rassembler » et « communiquer ». Rassembler pour défendre les causes qui vous sont chères. A titre d’exemple, vous avez été coordonnatrice d’un mouvement d’ONG pour la ratification de la convention contre les disparitions forcées et d’un autre pour la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture.
Vos entreprises ont été couronnées de succès puisque le Maroc est aujourd’hui Etat partie à ces deux accords très importants.
Mais vous brillez aussi pour « communiquer » sur votre combat. Avant-gardiste, vous avez mené plusieurs actions de protection et de promotion des droits de l’Homme grâce aux nouvelles technologies de l’information. Vous avez créé notamment deux sites internet, l’un dédié aux droits des femmes marocaines et l’autre à l’observation citoyenne des élections législatives de novembre 2011.
Au-delà de ces deux verbes, chère Amina, ce qui vous caractérise principalement en tant que « défenseur des droits de l’Homme », c’est la conviction sereine, la certitude confiante que les choses peuvent toujours changer.
Vous préférez le débat et la recherche du consensus au boycott et au blocage. Vous êtes partisane du rapprochement des idées pour permettre une évolution positive et progressive des droits de l’Homme.
Dans votre action, qui est comme nous l’avons vu prolifique et pleine de réussite, vous savez que vous pouvez compter sur le soutien de la France, bien sûr, mais aussi sur celui de tous vos amis et de votre famille qui est très fière de vous.
Enfin, c’est en pensant à vos proches que je voulais profiter de cette cérémonie pour vous souhaiter, avec un peu d’anticipation, un très bon anniversaire.
Je me permets de le faire car ce n’est sans doute pas un hasard si le jour de votre naissance, le 10 décembre, coïncide de façon très symbolique avec la journée mondiale des droits de l’Homme.

Chère Amina Lotfi,

Je crois pouvoir dire de vous que vous avez toujours été une militante engagée en faveur des droits des femmes.
Cette vocation vous est peut-être venue de votre grand-mère paternelle qui tenait, à l’époque où vous alliez la visiter en famille, chez elle dans le Sud, des discours avant-gardistes en matière de défense de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce qui est certain, c’est que cet engagement ne date pas d’hier et que tous vos proches et tous vos collègues vous ont toujours connue mobilisée en faveur des droits des femmes.
C’est à partir de 1991 que votre parcours de militante commence, lorsque vous travaillez pour la coopération canadienne. Ces responsabilités vous permettent alors d’entrer en contact, d’aider et d’accompagner de nombreux mouvements féministes marocains.
Votre conviction profonde dans la cause des droits des femmes vous amène très rapidement à vous investir dans le milieu associatif.
Vous avez ainsi été la Présidente nationale de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) pendant 3 ans, de 2010 à 2013.
Aujourd’hui, vous avez de nouvelles responsabilités qui servent toujours la même cause puisque vous êtes directrice et consultante associée d’un bureau d’études et de recherche en développement social. Vous êtes également coordinatrice du programme gouvernance publique et égalité de genre au Maroc à l’ONU femmes.
Chère Amina,
Votre modestie va souffrir un peu, mais la remise de la légion d’honneur est une bonne occasion pour qu’on vous le dise : vous inspirez un profond respect à tous et en particulier à vos partenaires et collaborateurs.
Tout d’abord en raison de votre investissement personnel : vous ne ménagez aucun effort et ne comptez pas vos heures pour promouvoir la cause des femmes au Maroc et au-delà.
Ensuite à cause de votre rigueur morale et votre sens de l’éthique : vous pouvez accepter les compromis pour faire avancer votre cause mais jamais les compromissions.
Et enfin, en raison de votre ténacité : vous ne lâchez pas prise et continuez à agir, à expliquer, à convaincre, jusqu’à obtenir satisfaction.
Ces années de travail vous ont mobilisée sur de nombreux chantiers.
Parmi les plus symboliques, on peut citer votre engagement lors du débat sur le statut personnel, au début des années 2000, qui a constitué un prélude à la réforme importante de la Moudawana.
On peut également rappeler que vous avez été particulièrement active au sein de la coalition « printemps des femmes pour la démocratie et l’égalité » qui a proposé et obtenu la reconnaissance de plusieurs droits dans la nouvelle Constitution marocaine.
Vous assurez maintenant le suivi de la mise en œuvre de ces dispositions constitutionnelles et notamment la création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations.
On peut enfin souligner votre engagement décisif dans la création du réseau des femmes de l’encadrement supérieur de la fonction publique, qui permet petit à petit de briser le plafond de verre dans l’administration.
Chère Amina,
Cette réception organisée en votre honneur est l’occasion pour moi de saluer la coopération établie entre l’ADFM et l’Ambassade.
Ensemble, nous avons mis en place un réseau national de centres d’écoute psychologique et d’assistance juridique des ONG en faveur des femmes victimes de violence, le réseau Anaruz.
L’ADFM a également mis en œuvre avec notre soutien un projet de développement de l’approche genre dans les politiques publiques.
Je rappelle qu’il y a deux ans, vous avez accueilli l’épouse du Premier ministre français, Mme Brigitte Ayrault, au siège de l’ADFM, en marge de la dernière Rencontre de Haut Niveau qui réunissait à Rabat nos deux gouvernements. Elle avait alors pu rencontrer des responsables d’association féminine et visiter le centre Nejma des femmes victimes de violence et constater le formidable engagement de toutes ces femmes marocaines pour retrouver espoir et dignité. Mon épouse et moi pouvons témoigner combien elle en était ressortie émue et touchée devant le remarquable travail qui y est mis en œuvre.
Chère Amina,
Je sais que vous êtes humble et que vous avez l’esprit d’équipe. La décoration que je vais avoir le plaisir de vous remettre vous distingue personnellement, bien sûr, pour toutes vos qualités et vos réalisations. Mais à travers vous, c’est l’action de tous les salariés, de tous les bénévoles et de tous les membres de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc qui est saluée par la France.
Madame Amina Bouayach,
Madame Amina Lotfi,
La France et le Maroc ont besoin de femmes exceptionnelles comme vous pour faire progresser la cause des droits humains, sur leur sol comme dans le reste du monde. C’est pourquoi mon pays souhaite vous exprimer ce soir toute sa reconnaissance, toute sa gratitude pour le noble combat que vous menez avec tant d’engagement, d’énergie et de talent !

Au nom du Président de la République française, nous vous faisons Chevaliers de la Légion d’Honneur.

Dernière modification : 09/12/2014

Haut de page